- Jean-Acier DANÈS
- Édito : le journal mensuel de la Manufacture Berthoud
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- Vélo, Berthoud Cycles, communauté, community
Manufacture Berthoud Cycles
Texte : Jean-Acier DANÈS
... Juillet est-il encore mois des cartes postales ?
Crédits photographiques : © Jean-Acier Danès
Juillet. L’émotion se partage et je vous parle d’un pays qui bat au rythme du Tour de France, des Jeux Olympiques, d’immenses moments de liesses et d’amour du sport, mais aussi de discrètes aventures buissonnières à travers les départementales.
Juillet, c’est la famille, la distance, on passe d’une carte Michelin à l’autre, on meuble un trajet imprévu par un itinéraire fait à l’arrachée sur le portable. Juillet ce sont de nouveaux écussons de cols, de villes, de souvenirs qu’on appose sur la sacoche de guidon. Juillet c’est le pantalon long oublié quelque part dans un placard. Et le goût de s’emporter sur des promenades, des vadrouilles, des moments d’amitiés très tôt ou très tard parce qu’il fait si jour ou que la lune est belle. À la fraîche, chargé de quelques barres, d’un nougat ou d’une pâte de fruit, le vent fait claquer les vêtements sur les hanches et on brave des vitesses sèches. Le bruit des cigales qui surprend même dans les virages, entêtant. Juillet ce sont les musées frais, les cinémas où on se réfugie quand il fait chaud, les contes, les tableaux aux cadres dorés, les poches dont on vérifie la contenance avant de plonger d’un ponton ou d’un rocher, les murs aux chaux jaunes, roses, pistaches, et les paysages grandioses de si peu. Ce sont les bruyants vacanciers que l’on croise, les belles rencontres que l’on fait, les commerces qui commencent à fermer.
Le mois invite au minimalisme, même sans emprunter l’avion — un bagage cabine c’est beaucoup, surtout à vélo. Petite sacoche, petite besace, essentiels sur soi et en soi. L’été fait place aux triomphes simples (celui de trouver de l’ombre ou de l’eau, un livre ou de l’ivresse). Le coeur bat de moments gratuits, légers, et nul n’a besoin de mépriser un peu d’ennui ou un moment à lézarder dans un lieu paisible.
J’écris à l’ombre d’un arbre. Sans vélo, je n’aurais rien à dire. Sans sacoche, je n’aurais nulle part où dormir et plus rien à dîner. Devant moi des terres familières s’annoncent et m’accueillent sans que je le remarque, offrant à mon oeil un hospice rendu inoubliable par toute cette beauté. Les branches d’arbres projettent grâce au soleil des formes douces sous ma page, puis des lumières chaudes et un vent du soir me poussent à me hisser plus haut. Sur les routes, mes pneus sont légers, mes tenues claires, mon vélo luisant de sueur et séché par le vent. Pendant la journée, de la poussière et de la silice dépose partout une fine pellicule blanche. Je découvre, artisan soucieux de ce qu’il accomplira. Je prends mon temps et je refais parfois la même ascension, pour ne plus l’oublier.
Juillet de J-O. Gorgez-vous de couleurs, amies et amis, absorbez l’horizon de la liberté: le vert sauge, le bleu lavé, le jaune ocre, le blanc frais et le rouge vermillon. Ne comptez ni vos glaces, ni vos défis. Laissez l’air bouillant sécher votre sueur au dos, les arrêts de bords de route vous surprendre de boissons inconnues et de Pocket Coffee. Rasez-vous dans une eau claire et sauvage, indolent à l’heure du jour, sans vous soucier du reste, plongez et regardez votre montre pour le plaisir de jouer avec la mécanique mais sans souci de l’heure, puis remontez sur votre bécane rafraîchi et continuez d’explorer, de savourer, de rêver. Un voyage ne déçoit jamais, ni le voyageur, ni l’imagination. Envoyez des cartes postales, appelez-les vos « cartes pas stables » car vous changez toujours de lieu d’expédition. Vivez sans anxiété, célébrez la perfection autour de vous et chérissez les petits détails qui sortent de l’ordinaire.
Bonnes routes et à bientôt, le 8 septembre, pour l’article du mois d’Août.
Jean-Acier DANÈS, auteur de Bicyclettres (Éditions du Seuil).