Manufacture Berthoud Cycles
Texte : Jean-Acier DANÈS

À la Manufacture, huit personnes travaillent.

    À la Manufacture, huit personnes travaillent. Huit personnes empruntent, par tous les temps et en toutes les saisons, des routes différentes vers Fleurville. Certains viennent de loin et traversent les contreforts forestiers du Creusot, d’autres gagnent la manufacture depuis l’Ain, depuis Tournus, Mâcon. Certains habitent à côté, ou à quelques tours de roue. Il y a ceux qui arrivent tôt, celle qui veille sur les livraisons ou celui qui réserve une table pour le déjeuner, en passant. Et puis il y a toujours un soir où, guidé par son moyeu dynamo au service de la nuit, il faut rentrer tard.

    Chez Berthoud, la passion pour les kilomètres n’a pas changé depuis 1977. Plus qu’un vieil amour d’enfance, c’est une âme qui s’est forgée et soudée, une identité qui s’enrichit à mesure que les équipements sillonnent le monde. Nous sommes en 2024. Une nouvelle année débute. Elle annonce des jours entiers durant lesquels nous serons tous des contemporains d’un monde étonnant, parfois joyeux, parfois âpre, parfois créatif, parfois destructeur, parfois tendre et si souvent fascinant.

balade à vélo en forêt

Crédits photographiques : © Philippe Marguet

     Lors de conversations au sein de la Manufacture et au-delà, je remarque que l’envie de pédaler est motivée par des raisons infiniment variées : notre santé, notre empreinte sur la planète, notre temps, notre portefeuille, nos interactions ou nos rencontres avec d’autres habitants, notre joie esthétique ou notre discipline physique — et bien sûr, le plaisir d’être à vélo, de nous mouvoir dans la nature. Toutes ces raisons rassemblent au moins huit personnes dans le travail, avec exigence et savoir-faire, dans la conception de vélos de qualité. Ils seront les fidèles compagnons de chaque aventure, à commencer par celles à portée de main.

   Un jour d’automne, une conversation donne lieu à une idée. L’année 2024 commençant un lundi 1er janvier, pourquoi ne pas commencer par évoquer ce qui est à l’origine de ce goût ? Il faudrait le matérialiser, le raconter, écrire ce qui est la genèse de tout.

   Ce qui reflète le mieux le vœu de Berthoud — celui de concevoir des vélos performants, des beaux équipements de randonnée, des selles inimitables et des sacoches devenues des classiques — ce sont ces paysages que l’on rencontre. Semaines après semaines. Saisons après saisons. Des Tableaux. Des vignettes. Des icônes. Des inspirations. Des états d’âme que l’on projette. La genèse de cette manufacture contemporaine, ce sont ces paysages.

     Ces horizons traversés. Ces vues que l’on passe en chemin : une lumière sur la plaine, un brouillard entre deux coteaux, un trajet en train à l’heure rose, des arbres pris dans le froid comme des bâtons glacés, des rayons de soleil sur un bâti de pierres dorées ou un panneau amusant à l’abord d’une voie ferrée. Manière humble d’affronter en esthète les défis de la route.

    Ces régions environnantes que les géographes appellent « territoire », que les sociologues appellent « milieu ». Elles sont les « alentours » et parlent profondément de ceux qui y grandissent. Terroirs et terrains sont un liant de l’âme — un verre de vin, une poignée de céréales, une odeur le prouvent si bien. Comme Ulysse, dans l’Odyssée d’Homère, qui se souvient dans le vent à la terre qu’il désire retrouver, l’identité de Berthoud Cycles peut se lire à travers ses paysages. C’est à travers eux que sont testées les pièces reines d’un vélo, rétroviseurs, garde-boue, sacoches, porte-bagages, selles, et bien sûr vélos eux-mêmes. C’est en ce rayon de quelques dizaines de kilomètres que naissent les innovations, que vivent les artisans qui participent à toute réussite : qu’ils soient des créateurs et collaborateurs, des jeunes apprentis, ou sous-traitants chevronnés. Enfin, c’est avec les impressions de cette région que repartent les clients qui comme moi, sont de simples visiteurs, oiseaux de passages en Saône-et-Loire.

paysage vue par un cycliste

Crédits photographiques : © Philippe Marguet

    Afin d’évoquer ce qui définit la manufacture, un article sera publié sur ce site (doté d’une page éditoriale) le 8 de chaque mois. Vous en saurez plus sur la raison d’être de Berthoud Cycles et ces épopées quotidiennes, à travers les paysages. L’occasion, également, d’apprendre à connaître les lecteurs et de les convier à Fleurville.

    Voici, pour conclure, quelques notes prises en traversant les jours de janvier qui invitent le vélo dans l’image sans jamais le citer.

« Janvier - Fine neige. Vent glacé sur les routes glissantes pailletées de verglas. Voici des températures douces puis démesurément chaudes — la cartographie se gorge de vermillon, de rouge, de violet. Deux chiffres sur les compteurs et le mercure. Douceur donc questions, aussi. Froid enfin. Pneus qui crissent sur un bitume incertain, que l’on dégonfle, gants que l’on met au-dessus des gants pour rester au chaud. Appareil photo emmitouflé ; deux heures de route sur le porte-paquet et une canette givre dans la nouvelle sacoche ultralégère. Nuit. Apologie des phares dynamo et confort des larges faisceaux du système SON. Un autre matin, soleil somptueux qui se lève à mi-route, immense sur les miroirs de la Saône qui déborde. Virages gluants de sel. Tour de cou de laine que l’on enfile sur toute la tête, ne laissant sortir que les deux yeux. Panneaux de villages ruraux à l’envers. Odeur de terre lourde, de paille oubliée. Nouvelles idées pour la Manufacture. »

    Toute l’équipe de Berthoud Cycles vous adresse ses Meilleurs vœux pour 2024 et de mon côté, je vous donne rendez-vous ici le 8 mars prochain, pour un nouvel article.

Jean-Acier DANÈS, auteur de Bicyclettres (Seuil).

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